« Réfugiés académiques et artistiques : penser l’accueil » – Retour sur la deuxième édition du séminaire franco-brésilien
Le séminaire franco-brésilien « Réfugiés académiques et artistiques : penser l’accueil », organisé conjointement par le Campus Condorcet, l’Institut Convergences Migrations, l’Université Paris Nanterre, l’Institut des Sciences Politiques, le Sophiapol, l’Université de Lille, Sciences Po Lille, le Clersé, l’Université de Campinas (Brésil), l’Université de la République (Uruguay) et le programme PAUSE porté par le Collège de France, s’est tenu du 26 au 29 novembre 2024 à Aubervilliers, Paris et Lille, après une première édition à Campinas (Brésil) en 2022.
Cet événement a rassemblé chercheuses et chercheurs, artistes, étudiant.es réfugié.es, acteurs de la société civile et représentants des pouvoirs publics autour d’une question cruciale : comment et pourquoi (mieux) accompagner et intégrer les personnes contraintes à l’exil dans le milieu académique et artistique ?
Riche en échanges et en témoignages, le séminaire a permis de mettre en lumière la complexité et la singularité des parcours de ces individus, ainsi que les défis auxquels ils et elles sont confronté.es dans leur pays d’accueil, tant sur le plan professionnel que personnel. Les conférences, les ateliers cartographiques, les performances artistiques et les témoignages ont offert une vision à 360 degrés de leurs réalités. Les échanges ont porté sur la diversité des expériences de l’exil, les défis de l’intégration, le rôle des institutions culturelles et académiques ainsi que les enjeux de la mémoire, de la représentation et de la patrimonialisation des trajectoires et des parcours, dans un contexte international marqué par la multiplication des conflits (Ukraine, Soudan, Palestine…) et la montée des populismes et de la xénophobie.
Au cours de la session organisée au Collège de France le 28 novembre, les intervenant.es ont échangé sur le caractère complexe et multidimensionnel de l’exil scientifique et artistique, sur les opportunités qu’ouvre l’accueil et sur la nécessité de développer des réponses adaptées, coordonnées et pérennes.
En effet, les défis auxquels doivent faire face les artistes et scientifiques contraint.es à l’exil sont nombreux : rupture avec leur environnement et leurs réseaux professionnels, déclassement, difficultés d’adaptation, précarité, traumatismes, sentiment de culpabilité voire de désertion vis-à-vis du pays d’origine, invisibilisation… Cette perte de repères et ces difficultés génèrent souvent à un dilemme identitaire, entre identité professionnelle et identité « administrativo-politique » : artistes/scientifiques internationaux ou exilé.es ? Déplacé.es temporaires ou réfugié.es ?
Ces multiples enjeux rendent nécessaires le développement de dispositifs d’accueil adaptés et la mise en place de politiques publiques qui prennent en compte leurs spécificités. Ils exigent une mobilisation et la coordination de tous les acteurs concernés : pouvoirs publics, universités, organismes de recherche, établissements culturels, société civile, diasporas et, bien sûr, les personnes contraintes à cet exil elles-mêmes.
Car l’accueil des réfugié.es académiques et artistiques, au-delà d’être un défi, est une opportunité pour les pays d’accueil. Il permet un enrichissement mutuel avec l’apport de compétences spécifiques et de perspectives uniques, qu’elles soient scientifiques, artistiques, linguistiques ou culturelles.
La notion de « refuge » académique ou artistique répond à un enjeu humanitaire, scientifique et politique et participe au rayonnement international du pays d’accueil. Il s’agit donc de reconnaître la valeur de ces individus, contraints à l’exil, et de leur offrir les moyens de poursuivre leurs activités de recherche ou de création sur le moyen ou long terme dans la société d’accueil.
Des dispositifs existent déjà et ont fait preuve de leur efficacité. En France, c’est le cas du Programme d’Accueil en Urgence des Scientifiques et des Artistes en Exil (PAUSE), qui a permis depuis 2017 le soutien de 570 scientifiques et 85 artistes et qui est partie prenante au nouveau mécanisme européen pilote de financements pour les scientifiques en danger, le projet SAFE.
L’Université en Exil (UXIL), créée par les établissements du Campus Condorcet, participe quant à elle à la stabilisation des parcours à travers la possibilité offerte aux lauréats du programme de proposer des séminaires et, à court terme, la création de chaires de recherche par et pour les scientifiques en danger dans le domaine des sciences humaines et sociales.
On peut également citer le réseau Migrants dans l’Enseignement Supérieur (MEnS), collectif d’établissements français d’enseignement supérieur, qui s’est constitué pour accueillir et accompagner les étudiant.es en situation de migration dans leurs parcours académiques et qui a, entre autres, participé à la création du diplôme universitaire « Passerelle ».
Toutefois, ces dispositifs restent fragiles et la question de leur pérennité, en particulier financière, est un enjeu majeur. L’augmentation et la diversification des sources de financement est cruciale pour pouvoir assurer et poursuivre l’accueil et l’accompagnement des scientifiques et artistes en danger dont le nombre, malheureusement, est en constante augmentation.