Le programme PAUSE fête ses 8 ans !

16 Jan 2025 | Actualités, Evénements

Depuis 2017, 680 scientifiques et artistes forcé·es à l’exil ont été soutenu·es par PAUSE

Depuis 2017, le programme PAUSE a permis à 587 chercheurs et 93 artistes, originaires de plus d’une quarantaine de pays, d’intégrer les réseaux de recherche et culturels français.


Les raisons qui poussent ces femmes et ces hommes à l’exil sont multiples et témoignent de la diversité des menaces qui pèsent sur les libertés scientifiques et artistiques dans le monde. La guerre a contraint à l’exil 43% d’entre eux. Les pays d’origine des personnes soutenues reflètent la cartographie des crises géopolitiques majeures qui ont secoué le monde au cours des dernières années : Syrie, Yémen, Irak, Ethiopie, Afghanistan, Iran, Ukraine, Russie, Soudan et plus récemment, la Palestine.   


Un tiers des lauréat·es ont été victimes de violences d’Etat, notamment d’arrestations et d’emprisonnements arbitraires, souvent pour des raisons politiques. Pour ne citer que quelques exemples, plusieurs centaines d’opposants russes ont ainsi été contraints à l’exil après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cela avait également été le cas pour les Biélorusses, après le grand mouvement de contestation de 2020. En Turquie également, en 2016, des centaines d’universitaires signataires de la pétition « Academics For Peace » ont été arrêtés, poursuivis et licenciés pour leurs prises de position en faveur d’une résolution pacifique du conflit kurde. Cette perte de position au sein de l’établissement d’origine constitue du reste la troisième principale menace rencontrée par les lauréat·es du programme.


Enfin d’autres fuient les violences perpétrées par des groupes armés non étatiques. En Irak, par exemple, la prise de Mosul par l’État islamique a contraint de nombreux civils, dont des intellectuels, à fuir. Au Brésil, sous l’ère Bolsonaro, les menaces de mort proférées par des groupes d’extrême droite à l’encontre d’artistes et d’universitaires ont créé un climat d’insécurité généralisé.

Face à ces menaces, le programme PAUSE offre, depuis 8 ans, un refuge et une nouvelle perspective à ces chercheurs et à ces artistes, leur permettant de poursuivre leurs travaux en sécurité.

Tel a été le cas, par exemple, de Mohamad Alaa Eddin Alali, Professeur à la Faculté de Génie Électrique de l’Université d’Alep, en Syrie, accueilli à l’École Nationale Supérieure de l’Électronique et de ses Applications (ENSEA) entre 2017 et 2020. À la fin de son contrat, il a obtenu la qualification de maitre de conférences au sein du même établissement, puis un diplôme d’Habilitation à diriger des recherches (HDR).

« À mon arrivée en France, j’avais pour objectif de stabiliser la vie de ma famille, et surtout de mes enfants, tout en assurant la continuité de mes activités professionnelles démarrées en Syrie. Mon recrutement comme maitre de conférences à l’ENSEA m’a permis de poursuivre mes activités de recherche et d’enseignement. Je suis ainsi passé du statut de professeur invité contractuel au statut de maitre de conférences-HDR fonctionnaire, ce qui m’a rendu éligible aux fonctions de membre de Conseil d’Administration et du Conseil National des Universités. Mon objectif est l’obtention du statut de professeur des universités en France, statut que j’ai à l’Université d’Alep depuis 2014 : un autre combat à mener mais avec beaucoup moins de stress ! »

 

Mohamad Alaa Eddin Alali

En 2021, l’ouverture aux artistes

Le programme PAUSE vise à défendre l’esprit critique, la libre-pensée, la liberté d’expression et à offrir un refuge à celles et ceux qui en sont privé.es. Les premières années du programme ont été concentrées sur le soutien aux universitaires. Toutefois, l’idée d’offrir un dispositif équivalent aux artistes est née dès l’origine de PAUSE. En 2021, grâce à une étroite coopération avec l’Association nationale des écoles supérieures d’art (ANdEA) et l’Atelier des artistes en exil, cette volonté se concrétise. Depuis lors, 93 artistes ont pu bénéficier du soutien du programme et le réseau des structures d’accueil continue de se développer et de se diversifier, offrant la possibilité à des artistes en exil de créer, de transmettre, d’exposer.


On peut à ce titre mentionner le témoignage d’Omid Hashemi. Né dans un village du nord de l’Iran, Omid est un artiste multidisciplinaire dont le parcours est marqué par une mobilité géographique constante. De l’Iran à la France en passant par la Turquie, ses expériences de vie ont façonné son art, nourri par une diversité culturelle riche. Titulaire d’un doctorat en Esthétique, Science et Technologie des Arts de l’Université Paris 8, il a développé une pratique artistique singulière, à la croisée de la performance, de l’installation et du vidéo-art. La répression qui suit le mouvement Femme, Vie, Liberté en Iran l’a contraint à l’exil en 2022, l’amenant à poursuivre son travail créatif dans un nouveau contexte.

« Le Programme PAUSE m’a permis de pleinement m’établir en tant qu’artiste en France, grâce à son soutien économique mais aussi grâce au réseau d’artistes auquel il m’a donné accès. Au-delà des liens personnels et professionnels, la France me permet de réaliser des recherches à la fois anthropologiques et artistiques avec l’aide d’autres artistes. J’y ai trouvé un espace au sein duquel développer mes idées nées lors de mes années en Iran, c’est-à-dire, la création d’un espace de collaboration entre différents artistes. »

Omid Hashemi

8 ans d’adaptation face aux crises : les grandes étapes

En 8 ans, le programme a accompli beaucoup. L’équipe du programme, les membres de sa gouvernance et de son comité scientifique et artistique, mais aussi les partenaires et les financeurs, ainsi que, bien sûr, les plus de 140 établissements d’enseignement supérieur, de recherche et structures culturelles sur l’ensemble du territoire des centaines de personnes – ont constitué une chaine de solidarité pour permettre à des scientifiques et des artistes menacé·es de poursuivre en France leurs travaux de création ou de recherche.


Au cours de ces dernières années, plusieurs temps forts ont montré la capacité de PAUSE à faire preuve d’une grande réactivité face aux crises. En 2020, alors que la pandémie de Covid-19 paralysait le monde, le programme a rapidement mis en place des mesures exceptionnelles pour soutenir les lauréat·es. Des prolongations de financement ont ainsi permis à ces derniers de poursuivre leurs travaux de recherche, malgré les contraintes sanitaires.


Une adaptation face aux crises sanitaires mais aussi et surtout, géopolitiques :


En août 2021, lorsque les Talibans prennent Kaboul, des milliers d’Afghans et d’Afghanes cherchent à fuir le pays. Le programme reçoit des centaines d’appels à l’aide, d’étudiant·es, d’universitaires, d’artistes. Dès septembre, les pouvoirs publics annoncent un financement supplémentaire exceptionnel pour le programme. Une procédure d’urgence, développée en lien étroit avec les communautés scientifique et artistique françaises et en coopération constante avec les ministères de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Intérieur, permet à 25 scientifiques et artistes afghan·es et à leurs familles de rejoindre la France dès décembre, en dépit des contraintes liées à la fermeture du pays.


En février 2022, alors que la Russie envahit l’Ukraine, le programme met en place en quelques jours, grâce, là encore, à un important soutien financier des pouvoirs publics, deux Fonds d’urgence, l’un pour les scientifiques et l’autre pour les artistes et professionnels de la culture. L’objectif de ces fonds est d’offrir un financement pour permettre leur mise à l’abri, avec leur famille, pendant 3 mois. 176 scientifiques et artistes bénéficient de ces Fonds d’Urgence en quelques mois. En parallèle, PAUSE travaille en étroite collaboration avec l’Agence nationale de la Recherche (ANR) pour la création d’un dispositif spécial dédié à l’Ukraine et finance plus d’une centaine de scientifiques et d’artistes dans le cadre des appels classiques du programme.


Sur la seule année 2022, au total, près de
380 personnes, soit quasiment l’équivalent des 4 premières années (100 personnes par an), pour une grande majorité d’origine ukrainienne ou russe, sont soutenues par PAUSE, qui connait un changement d’échelle.


Depuis fin 2023, le programme a mis en place une procédure accélérée pour les scientifiques et les artistes palestiniens, afin de permettre un soutien rapide non tributaire du calendrier des 3 appels à candidatures annuels. Toutefois, sur la cinquantaine de lauréat·es  soutenu·es, seule la moitié a pu rejoindre la France avec leurs familles, les autres étant aujourd’hui toujours  bloquées à Gaza, dans l’incapacité de quitter le territoire sous blocus et en proie à des bombardements incessants. 


Ces chiffres témoignent de l’ampleur de la mobilisation et de l’impact du programme PAUSE et de l’ensemble du réseau d’acteurs qui se mobilisent, s’engagent et s’adaptent pour soutenir leurs collègues scientifiques et artistes.

Natalia Bichurina, enseignante de sociolinguistique à l’Université de Saint-Pétersbourg, a quitté la Russie en 2022. Grâce au soutien du programme PAUSE,  elle a été accueillie par le laboratoire Langues et Civilisations à Traditions Orales (LACITO) de l’Université Paris III – Sorbonne Nouvelle jusqu’en 2024. À l’issue de ses deux ans de contrat PAUSE, elle a réussi le concours pour un poste de maîtresse de conférence au sein de cette université.


« Les chercheurs en exil ont la chance de connaitre différents milieux et traditions académiques. Cela devrait être perçu comme un atout, une vision comparative qui permet de développer de nouvelles approches. »

 

Natalia Bichurina

8 ans d’adaptation face aux crises : les grandes étapes

Les résultats du programme PAUSE sont encourageants, mais les défis à relever sont nombreux. Face à l’intensification des crises et à la demande croissante de chercheurs et d’artistes en exil, la question du financement du programme se pose avec acuité. Si des solutions ponctuelles ont été trouvées pour répondre aux crises majeures, grâce aux financements des ministères, de Fondations ou de mécènes, il est essentiel de sécuriser des sources de financement pérennes et diversifiées afin de répondre aux besoins, toujours croissants ; défis que rencontrent également de nombreux établissements d’accueil, dont la situation financière est précaire.

 

L’intégration professionnelle à l’issue du programme est également un enjeu majeur. Si PAUSE offre des financements pour un an, renouvelables une fois (2 dans le cas des doctorant·es), la question de l’insertion socio-professionnelle se pose alors que les opportunités dans les milieux académiques et artistiques sont limitées. Deux tiers des lauréat·es trouvent une opportunité professionnelle très rapidement à l’issue du soutien PAUSE, mais beaucoup doivent engager une reconversion. Le programme les aide dans cette perspective, par l’octroi de financements complémentaires dédiés à des formations et la mise en place de partenariats avec des experts de l’insertion professionnelle, en particulier l’Association Bernard Gregory

 

Cependant, si les défis sont nombreux, des perspectives encourageantes se dessinent, en particulier au niveau européen. Parallèlement à ses actions nationales, PAUSE s’inscrit dans une dynamique européenne et internationale plus large. Membre du consortium Inspireurope depuis 2019, le programme collabore étroitement avec ses homologues européens pour défendre la cause des scientifiques en exil. Fruit des efforts collectif de plaidoyer auprès des instances européennes, le programme pilote « Supporting at-risk researchers with fellowships in Europe » (SAFE), lancé en septembre 2024, permettra le financement d’une soixantaine scientifiques en danger dans des institutions de recherche des pays membres de l’UE. A l’issue de ce programme, dont PAUSE est  partenaire, un dispositif plus pérenne de soutien à des chercheurs en danger à l’échelle européenne pourrait voir le jour.


En huit ans, PAUSE a démontré son efficacité et, malheureusement, son caractère indispensable. Cependant, pour faire face aux défis de demain, le programme a besoin d’un soutien renforcé. E
n sécurisant et en diversifiant les financements publics et privés, en développant de nouveaux partenariats et en renforçant l’accompagnement des lauréat·es, le programme pourra continuer à offrir un refuge aux chercheurs et aux artistes en exil.


Avec tous ceux qui s’engagent à ses côtés
, PAUSE pourra ainsi continuer à contribuer à  l’enrichissement scientifique et culturel qu’apportent les lauréat·es à notre société et à affirmer son attachement aux valeurs universelles de liberté, de solidarité et de partage.